Sortir à Lyon
Partager cet article :

Chan­son douce : ce n’est pas pour les enfants !

Thriller à la française. Il fallait bien une actrice de la trempe d’une Karin Viard pour jouer la nounou infan­ti­cide de Chan­son douce, l’adap­ta­tion sur grand écran du livre éponyme de Leïla Slimani. Jamais aussi bonne que dans ses rôles les plus noirs (comme dans Les Chatouilles, où elle nous avait épous­tou­flés en mauvaise mère cynique, refu­sant la souf­france de sa fille abusée durant son enfance), la comé­dienne excelle ici dans la peau d’une nour­rice border­line, aimant les deux enfants dont elle a la charge jusqu’à la folie. Avec son jeu très physique, elle rend palpable la névrose de son person­nage, Louise, même quand celle-ci est réser­vée et timide, avant de la faire explo­ser dans les scènes de jeux avec les enfants où elle devient carré­ment déran­geante à force d’être régres­sive (on vous lais­sera décou­vrir l’uti­li­sa­tion pour adulte du pot). Car contrai­re­ment aux petits, Louise ne joue pas, elle ne fait pas semblant, elle brouille les règles. Comme lorsqu’elle se trans­forme en lionne prête à dévo­rer le bébé.Le film joue constam­ment avec cette tension : Louise appa­raît tour à tour comme folle ou aimante, et le malaise qui en résulte, appuyé par la mise en scène alter­nant réalisme et onirisme, est d’au­tant plus déran­geant que l’on connaît l’is­sue de l’his­toire. En contre-point, Lucie Borle­teau, la réali­sa­trice, fait affleu­rer de possibles expli­ca­tions au geste de la nounou, comme cette diffé­rence de classe avec ses employeurs, arché­types des bobos pari­siens, souli­gné lorsque Louise est invi­tée à parta­ger un repas entre amis ou les vacances fami­liales. Comme le livre, le film est d’au­tant plus trou­blant qu’il avance en fourbe, dans une fausse neutra­lité brisée par des détails sordides, rendant sa critique d’une certaine vision moderne du couple d’au­tant plus acerbe. Le trans­fert pervers de cette nounou un peu trop seule vers les enfants devient carré­ment étouf­fant, jusqu’à bascu­ler dans une forme de fantas­tique psychique. Un thril­ler à la française comme on n’en voit pas souvent.

Chan­son douce de Lucie Borle­teau (Fr, 1h40) avec Karin Viard, Leïla Bekhti, Antoine Reinartz… Dispo­nible sur la plupart des plate­formes Vod.