
Cinéma d’auteur. Après des derniers films décevants (Song to Song), Terrence Malick opère un retour aux sources de son cinéma en s’inspirant de la vie de Franz Jägerstätter, un paysan autrichien qui refusa de prêter allégeance à Hitler. Bien entendu, ici, il n’y a ni combats ni bombardements, le cinéaste reste fidèle à sa veine lyrique et contemplative, utilisant comme pour The Tree of life les voix intérieures de ses personnages pour filmer leur engagement intime et l’héroïsme du quotidien, aussi bien du côté de Franz que de sa femme, qui doit continuer de faire tourner seule la ferme familiale. Individu contre collectif, devoir contre amour des siens, bien contre mal… Malick revient pour la première fois depuis longtemps à une narration chronologique. Les dialogues sont directement inspirés de la philosophie de Heidegger (dont Malick a été traducteur), comme un retour aux sources de sa doctrine originelle avant les compromissions face au régime nazi, représenté ici par un Bruno Ganz magistral dans son dernier rôle au cinéma. La dernière partie assume son mysticisme, mais indissociable de la grandeur morale, c’est surtout la beauté grandiose des paysages qui fait toute la force du film, en même temps qu’elle nous donne instantanément envie de louer un chalet dans les Alpes autrichiennes, histoire d’oublier nos deux mois de confinement… Profitant de la magnifique photographie de Joerg Widmer, Malick filme comme personne les paysages romantiques d’Autriche avec sa caméra sinueuse, glissant au plus près des sensations, les mettant en parallèle de façon souveraine avec les archives de la Seconde guerre mondiale. Ce n’est pas tous les jours qu’on découvre un point de vue original sur 39–45, ode à la désobéissance et aux véritables serviteurs de la Vie, pamphlet pacifiste qui constitue un des film-somme de son auteur, et un de ses plus personnels, jusqu’à la phrase finale de George Eliot, bouleversante, qui donne son titre au film. Avec presque trois heures d’images on ne peut plus dépaysantes, Malick prend son temps, mais il le prend bien.
Une Vie cachée de Terrence Malick (Allemagne, 2h53). Avec August Diehl, Valerie Pachner, Maria Simon… Disponible sur Canal Vod et la plupart des plateformes.