
Christopher Nolan a toujours aimé à la fois les scènes d’action les plus réalistes possibles (Dunkerque), usant le moins possible d’images synthétiques, mais en les plongeant au milieu des scénarios les plus alambiqués possibles, si possible en multipliant les faux-semblants les allers-retours dans le temps (Memento, Le Prestige). De ce point de vue Tenet est bien du pur Nolan, blockbuster mâtiné d’obsessions techniques et de vertiges temporels.

La bonne nouvelle, c’est qu’on retrouve enfin sur grand écran des scènes d’action époustouflantes, filmées avec la plus grande maestria visuelle dans pratiquement dans tous les environnements et dans tous les styles : baston mains nues, guerre, attentat au concert, poursuite en voilier, bataille dans le ciel et même une cascade en voiture un peu particulière en effet, qu’on vous laisse découvrir… La moins bonne, c’est que le prétexte scénaristique (« tenet » veut dire « précepte ») pour les mettre en scène devient de plus en plus vaseux. Ce n’est plus Inception mais Inversion et dans sa dernière heure, le film accumule jusqu’à la saturation les aphorismes foireux (« le monde est en clair-obscur« , « chaque génération lutte pour sa survie« ) et les concepts creux (« étau temporel« , « entropie« ), particulièrement dans la bouche de l’ordure parfaite incarnée par Kenneth Brannagh (avec l’accent russe, attention on est dans la nouvelle « Guerre froide » de la « Troisième guerre mondiale », WTF). Le musique franchement pénible de Ludwig Göransson est à l’avenant, remplaçant à mauvais escient Hans Zimmer, le compositeur inspiré des précédents films de Nolan.

Le puritanisme qui exclut toute sensualité dans cette intrigue d’un couple brisé par un protagoniste noir (JD Washington, le fils de Denzel) finit de nous rappeler que sous le luxe technique, ce Tenet n’est malheureusement qu’un pur produit hollywoodien de plus, un James Bond cérébral se prenant sévèrement au sérieux, reléguant un peu trop rapidement son humour british et Robert Pattinson, sous-employé, pour raccrocher les grosses ficelles d’antan : une mère qui veut sauver son fils et un soldat qui veut sauver le monde. S’il « sauve » les entrées des cinémas pour cette fin d’été, ce sera déjà pas mal…
Tenet de Christopher Nolan (EU, 2h30) avec John David Washington, Elizabeth Debicki, Kenneth Brannagh, Robert Pattinson, Clémence Poésy… Dans la plupart des cinémas (Pathé, UGC, CGR, Lumière)…