
En attendant son nouveau film sur Netflix début décembre, pas besoin de dépenser votre argent en Vod pour voir un des meilleurs films de David Fincher : France 3 a la bonne idée de programmer Gone Girl avec Rosamund Pike et Ben Affleck jeudi soir, et c’est vachement bien.
Le temps d’aller boire un verre au bar d’à côté, et sa femme a disparu. Pauvre Ben Affleck, juste assez falot et désagréable pour être soupçonné d’avoir maquillé l’assassinat de sa propre femme. En quelques scènes de flashbacks méthodiques, Fincher organise le soupçon. Il lui réglera son compte quelque temps plus tard dans un rebondissement phénoménal, lors d’une scène en apparence flegmatique mais au montage infernal, dont on ne révélera évidemment strictement… rien. On l’oublie trop souvent : Fincher est sans doute le réalisateur actuel à la plus grande économie d’écriture, capable de faire passer un maximum de renseignements dans la scène la plus courte qui soit, sans le moindre effet de manche. C’est ainsi que sont filmés les meurtres : impassibles, méthodiques, presque incidents, aussi méticuleux qu’expédiés.

Autopsie d’un couple
Car voilà, si Gone Girl a tout l’air d’être une bonne petite commande d’un thriller du samedi soir adapté du best-seller de Gillian Flynn, commise d’office au scénario, ce n’est pas tant le thriller qui intéresse Fincher, que de poursuivre la trilogie des rapports homme-femme qu’il avait entamé avec The Social Network (la petite amie de Zuckerberg refusant son “amitié”) puis Millenium (ou l’histoire de Lisbeth Salander se vengeant de son violeur, sous-titré « Les hommes qui n’aimaient pas les femmes »). Trompe-l’oeil permanent, Gone girl est un peu au couple ce que Zodiac était au crime : une enquête en forme de palimpseste, irrésolue, mais qui remet de fond en comble en cause tout le fonctionnement de la société sur son passage.
Inversion des sexes
Dès l’ouverture, sublime, c’est littéralement au voyage dans la tête d’une femme que nous convie Fincher (“Quand je pense à elle, je me vois ouvrir son crâne et dérouler sa cervelle, pour voir ce qu’elle pense”), qu’elle fut assassinée, psychopathe… ou les deux ! Le coup de génie de ce scénario à double fond, ce n’est pas tant de multiplier les rebondissements comme un pied de nez au réalisme – ce que d’aucuns n’ont pas manqué de lui reprocher –, mais de renverser le point de vue entre homme et femme en plein milieu du film. Le simple thriller se mue alors en satire sourde contre le mariage et la famille traditionnelle (le chat est le seul personnage dont chacun prend soin), d’autant plus impitoyable que le beau rôle est sans cesse inversé entre les époux.

Comédie cachée
Mais en plus de retrouver ses grands thèmes habituels (la déréalisation du monde et la mise en scène généralisée par le story tolling à tous les étages, médiatique comme intime), Fincher se paie le luxe de les ramasser pour la première fois dans un final insolent qui désigne définitivement Gone Girl comme la grande comédie que le film n’aura jamais cessé d’être. Cruel et cérébral comme un Kubrick, ludique comme du Mankiewicz, si Eyes Wide Shut avait été une comédie, elle s’appellerait Gone Girl.
Gone Girl (2014, EU, 2h29) avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris, Tyler Perry, Kim Dickens, Patrick Fugit, Casey Wilson… Jeudi 26 novembre à 21h05 sur France 3.