
Après avoir traqué la dépression et la colère professionnelles des employés sans grade dans La Loi du marché et En guerre, Stéphane Brizé retrouve son acteur fétiche, Vincent Lindon, en franchissant le Rubicon cgtiste pour filmer cette fois un cadre bien supérieur (1 million d’euros de patrimoine familial), pris au piège d’un plan social à travers l’extrême perversité des rapports sociaux d’un grand groupe côté à Wall Street (avec Marie Drucker, en directrice froide et désincarnée, enfin dans son vrai rôle…).

La superbe scène initiale ouvre pour la première fois le cinéma social de Brizé sur un couple en pleine séparation. On croit un instant, par la grâce des larmes de Sandrine Kiberlain qu’il va trouver un nouveau chemin narratif, avec moins de discours et plus d’intimité.

Marie Drucker contre Sandrine Kiberlain
Las, la piste familiale et la grande Sandrine n’ont droit ici qu’à une portion congrue (tout comme Anthony Bajon, lui aussi tenu en fond de court), et la mécanique très bien huilée mais toujours assez manichéenne et artificielle des sempiternelles réunions syndicat-direction ne se contente de n’être que la face inverse du précédent En Guerre, déjà co-scénarisé par Olivier Gorce. On connaît la rengaine : Brizé ne manque pas de savoir-faire, et Lindon reste le grand acteur français qui sait faire passer le plus d’émotions possibles en ayant le moins de choses à incarner. Mais passé un switch final assez lourdingue qu’on taira par charité syndicale, son personnage un tempe ambigu ne peut pas s’empêcher de jouer les héros aux grandes vertus, refusant de “devenir un homme méprisable” dans une lettre emphatique pas crédible pour un cent de Wall Street : “Là où je pensais qu’il y avait de l’intelligence, il n’y avait que de l’indécence” prend-il la peine d’écrire à son patron américain… qui doit s’en ficher encore plus que nous !
Un autre monde de Stéphane Brizé (Fr, 1h36) avec Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon, Marie Drucker, Olivier Lemaire… Sortie le 23 février.
