
Retraçant comme souvent sa propre expérience, la réalisatrice du Père de mes enfants filme la vie de Sandra (Léa Seydoux), jeune mère célibataire qui, quand elle n’est pas occupée à transporter son père (Pascal Greggory) d’une maison de retraite à l’autre, passe son temps à élever sa fille. C’est à peine si elle se laisse le droit de retrouver un sentiment amoureux oublié dans les bras de Clément, « cosmochimiste » et homme marié (Melvil Poupaud, décidément en pleine maturité, habitué au rôle depuis Les Jeunes Amants). Le casting masculin n’est pas indifférent : Un beau matin est sans doute le film de Mia Hansen-Love qui rend le plus hommage au naturalisme composé d’Eric Rohmer, avec qui Pascal Greggory et Melvil Poupaud ont chacun travaillé. Clément un peu le grand frère du Gaspard d’Un conte d’été et Pascal Greggory, bouleversant de perdition, ressemble de plus en plus au cinéaste de Ma Nuit chez Maud en vieillissant…

Léa Seydoux, à nu en alter-ego de la réalisatrice, exprime parfaitement la répression des sentiments que vit Sandra, et laisse surgir le chagrin comme la joie en de brefs instants volés de son quotidien, souvent bouleversants. Dans son travail de traductrice (qui consiste à transmettre les pensées des autres) ou dans sa famille, elle exprime peu ce qu’elle ressent, s’effaçant sans cesse. Sentiment accentué avec la maladie dégénérative de son père, dont elle interprète les murmures séniles. De ces scènes du quotidien se développe alors un magnifique portrait de femme à travers sa famille, à la croisée des chemins de la vie, entre deux langues, entre deux âges, entre deux hommes jusqu’à in fine, retrouver la place de son épanouissement personnel. Y compris à travers la fille de Sandra, Un beau matin est une magnifique chronique du vieillissement à chaque âge de la vie. J.D.
Un Beau Matin de Mia Hansen-Løve (Fr, 1h52) avec Léa Seydoux, Pascal Greggory, Melvil Poupaud, Nicole Garcia… Sortie le 5 octobre.
