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Douglas Sirk, le plus flam­boyant de l’art du mélo

Jane Wyman lunettes de soleil et Rock Hudson Le Secret magnifique Douglas Sirk.
LE SECRET MAGNIFIQUE MAGNIFICENT OBSESSION 1954 de Douglas Sirk Rock Hudson Jane Wyman. d'apres le roman de Llyod C. Douglas based on the novel by Llyod C. Douglas Prod DB © Universal International Pictures (UI) / DR

L’Ins­ti­tut Lumière consacre une rétros­pec­tive XXL au roi du mélo holly­woo­dien en Tech­ni­co­lor, aussi conven­tion­nel en appa­rence que singu­lier dans l’ap­proche de ses person­nages.

C’est le roi du mélo­drame. Tout est toujours too much dans les films de Douglas Sirk, en tout cas dans ses mélos holly­woo­diens des années 50 : le lyrisme (le Chopin orches­tral pour ouvrir Le Secret magni­fique), les couleurs Chupa Chups les plus flam­boyantes du Tech­ni­co­lor de l’époque, l’abon­dance de décors et de costumes qui feraient passer le maquillage de Cate Blan­chett pour de la sobriété éner­gé­tique, et les situa­tions les plus cathar­tiques d’une Amérique engon­cée dans ses conven­tions sociales d’après-guerre, parti­cu­liè­re­ment quand il s’agit des femmes…

Et pour­tant, le miracle du cinéma de Douglas Sirk fait toujours vibrer la vérité des senti­ments les plus enfouis, l’hon­nê­teté des atten­tions et des imper­fec­tions sous l’ar­ti­fice de la réus­site sociale ou de l’ordre fami­lial. L’in­con­nue Juanita Moore passe d’une simple domes­tique noire à la véri­table héroïne bonhomme et lucide du Mirage de la vie, sublime mélo anti-raciste à faire pleu­rer même un Gérald Darma­nin (c’est dire), et Le Secret Magni­fique est un pur mélo philo­so­phique assu­mant son plai­doyer chré­tien dans une histoire d’amour où se cotoient la méde­cine (donc la science), face au handi­cap, et le véri­table altruisme, comme seule façon de rendre utile son exis­tence.

Lauren Bacall et Robert Stack dans Ecrit sur du vent de Douglas Sirk.
(Prod DB © Univer­sal Inter­na­tio­nal Pictures (UI))

Plai­doyer chré­tien et revanche des laissé(e)s pour compte

C’est tout le para­doxe de Sirk : sa froi­deur dano-germa­nique utilise toujours les conven­tions les plus outrées avec une ironie sourde, pour mieux faire vibrer ses acteurs et leur dilemme à vivre sous nos yeux. Avec ses propres mystères : dans Le Temps d’ai­mer et le temps de mourir (1957)peut-être son plus beau filmSirk détourne le film de guerre pour filmer une dernière histoire d’amour d’un soldat sur les décombres d’une Alle­magne nazie qu’il a bien connue… pour y avoir perdu son propre fils sur le champ de bataille à Kiro­voh­rad (ex-Russie et dans l’Ukraine d’aujourd’­hui), à l’aube de ses dix-neuf ans.

Plutôt qu’un brûlot paci­fique mora­li­sa­teur, Sirk lui compose une prière en forme de chant d’amour, en espé­rant qu’il ait eu le temps d’être amou­reux… Tout le cinéma de Sirk est ainsi : un plai­doyer chré­tien pour des invi­sibles qui n’ont pas eu le temps ou l’oc­ca­sion de prendre la revanche sur le destin qui leur était imposé. Sous l’ar­ti­fice des appa­rences, les films de Sirk sont la plus fine étude psycho­lo­gique des laissé(e)s pour compte du monde occi­den­tal d’après-guerre. Rien que ça.

Rétros­pec­tive Douglas Sirk, de l’Al­le­magne à Holly­wood. 25 films. Jusqu’au 29 mai. Insti­tut Lumière, Lyon 8e. Tarifs habi­tuels.

Double programme Douglas Sirk / RW Fass­bin­der : Tout ce que ciel permet suivi de Tous les autres s’ap­pellent Ali. Mardi 25 avril à 18h45 et 20h45, précédé d’une intro­duc­tion sur l’es­thé­tique camp qu’a influen­cée Douglas Sirk, par Denis Revi­rand.

Le Mélo­drame chez Douglas Sirk. Confé­rence de Nedjma Mous­saoui, maître de confé­rences en histoire du cinéma à l’Uni­ver­sité Lyon 2.19h. Suivi de la projec­tion d’Ecrit sur du vent. 9 / 10 €. Mercredi 3 mai à partir de 19h.

Nos films préfé­rés de Douglas Sirk :

**** Le Temps d’ai­mer et le temps de mourir (1958, A Time to love and a time to die, 2h12) avec John Gavin, Lise­lotte Pulver…

**** Le Secret magni­fique (1954, Magni­ficent obses­sion, 1h48) avec Rock Hudson, Jane Wyman…

**** Mirage de la vie (1959, Imita­tion of life, 2h05) avec Lana Turner, Juanita Moore, John Gavin…

*** Ecrit sur du vent (1956, Writ­ten on the wind, 1h39) avec Rock Hudson, Lauren Bacall, Robert Stack…

*** Tout ce que le ciel permet (1955, All that heaven allows, 1h29) avec Rock Hudson, Jane Wyman…

*** La Ronde de l’aube (1957, The Tarni­shed Angels, 1h31) avec Rock Hudson, Doro­thy Malo­ne…

La lettre du Secret magni­fique (© Univer­sal Inter­na­tio­nal Pictures (UI) / DR)