Sortir à Lyon
Partager cet article :

Denis Poda­ly­dès, grand acteur du Roi Lear à Ostrovski

Denis Podalydès, de trois quarts dos, portrait de la Comédie-Française.
Portrait officiel de Denis Podalydès à la Comédie-Française.

Entre­tien exclu­sif avec un de nos plus grands comé­diens, au théâtre comme au cinéma. Alors que Denis Poda­ly­dès incarne le Roi Lear sur la scène de la Comé­die-Française, il vient mettre en scène L’Orage d’Os­trovski aux Céles­tins, un grand clas­sique du théâtre russe à redé­cou­vrir. En nous révé­lant un peu des coulisses de son métier.

Vous incar­nez Lear en ce moment à la Comé­die-Française, après notam­ment le Tartuffe. Comment ces grands monstres vous accom­pagnent-ils ?

Ils ne m’ac­com­pagnent pas, heureu­se­ment… Je les retrouve à heure dite et je les laisse sur scène ! Ils me servent plus à monter des projets comme L’Orage par exemple dans lequel je peux retrou­ver des choses de Shakes­peare, un peu comme des livres que j’ai lus. Mais je ne me sens pas habité par un person­nage dont je convie­rais le fantôme dans l’après-midi pour pouvoir le jouer le soir. Le théâtre est comme une horloge, il a son rituel, il crée sa propre néces­sité. Je suis plutôt de ces acteurs qui cinq minutes avant peuvent parler d’autre chose et dès qu’on entre sur scène, la concen­tra­tion revient, on ne peut pas y échap­per.

Je ne joue Lear que deux fois par semaine à peu près. Alter­ner comme je le fais actuel­le­ment avec Tartuffe me permet para­doxa­le­ment de rester plus frais. C’est moins répé­ti­tif. Les rôles ne sont pas ma vérité de tous les jours, ils ne m’ac­com­pagnent pas au quoti­dien. D’au­tant que pour Lear, on a travaillé en totale confiance avec Tomas Oster­meier pour pouvoir bouger un peu les choses au besoin d’une repré­sen­ta­tion à l’autre. Il m’a dit : “Plus tu es perdu, mieux c’est !” Donc je ne vous dirais pas que je ne fais pas une révi­sion du texte de temps en temps, comme ça, à l’ita­lienne, mais fran­che­ment c’est assez simple.

« J’étais un acteur beso­gneux, assez scolaire. Alter­ner les rôles au théâtre et au cinéma m’a apporté une légè­reté d’exé­cu­tion. »

denis poda­ly­dès

Vous êtes à l’af­fiche de La Grande Magie, le film de Noémie Lvovsky. Alter­ner entre théâtre et cinéma est aussi une façon pour vous de rester frais ?

Oui, c’est ce qui m’a permis de rester aussi long­temps au Français. C’est ce qui m’a fait progres­ser aussi comme acteur, tout simple­ment. J’étais un acteur beso­gneux, travaillé par la peur, assez scolaire je trouve. Alter­ner les rôles m’a apporté une légè­reté d’exé­cu­tion.

Denis Podalydès prenant la main de Sergi Lopes à table serviette blanche dans La Grande Magie.
Denis Poda­ly­dès dans La Grande Magie de Noémie Lvovsky.

Vous mettez aussi en scène L’Orage d’Alexandre Ostrovski. Comment situe­riez-vous cet auteur dans la culture russe pour quelqu’un qui ne le connaî­trait pas ?

Il reste mal connu, c’est sûr. Il a été occulté par Tche­khov et les autres. C’est pour­tant le plus grand drama­turge russe en nombre de pièces, mais seule­ment une quin­zaine de pièces ont été traduites en France sur 50, et à peine la moitié publiée… Sans doute a-t-il été mal monté au début, il a long­temps été victime de préju­gés en France, comme s’il était trop russe, lui qui a travaillé toute sa vie en troupe et en Russie tout au long du XIXe siècle. J’avais été très heureux de jouer sa pièce La Forêt en 2004 à la Comé­die-Française, sous la houlette d’un grand metteur en scène russe (Piotr Fomenko, ndlr). Nous avions reçu un bel accueil critique, mais j’avais senti encore des résis­tances de la part du public…

Quand vous dites “trop russe”, vous faites allu­sion au mélange des genres, aux contra­dic­tions internes de cette culture qui nous échappe, entre esprit slave et occi­den­ta­liste ?

Oui, et Ostrovski est parti­cu­liè­re­ment hété­ro­doxe, il adore les contra­dic­tions humaines. L’Orage est son oeuvre la plus connue mais c’est aussi une pièce provin­ciale, la pein­ture de cette Russie en iner­tie, qu’on a encore aujourd’­hui dès qu’on quitte les grandes villes, et qui permet à Poutine de faire ce qu’il veut… Tout en racon­tant l’his­toire d’une femme qui prend un amant et veut s’éman­ci­per.

Il y a un mélange des genres chez Ostrovski, comme chez Shakes­peare. Il avait d’ailleurs étudié le théâtre anglais, français et italien. On entend aussi bien Molière que Goldoni dans L’Orage. Il s’est toujours baladé au milieu des contra­dic­tions humaines et des conflits internes de la société de son temps. C’est pour ça que j’ai fait appel à Laurent Mauvi­gnier pour l’adap­ta­tion du texte. Il fallait qu’on puisse entendre ce mélange de trivia­lité et de poésie, ces ruptures de ton parfois radi­cales.

« Il y a du mélange des genres dans L’Orage d’Os­trovski. On entend aussi bien Shakes­peare Molière que Goldoni. »

denis poda­ly­dès

Pourquoi avez-vous choisi de trans­po­ser l’ac­tion dans les années 1990 ?

Je n’au­rais pas eu les moyens de recréer le XIXe siècle sur scène. Et c’est en lisant le livre de Svet­lana Alexie­vitch, La Fin de l’homme rouge, que j’en ai eu l’idée. Elle écri­vait que les années 90 marquaient “le retour des person­nages d’Os­trovski en Russie, comme point de bascule de la chute de l’Em­pire sovié­tique. Il y a d’ailleurs un person­nage de marchand avare dans L’Orage qui a tout d’un oligarque d’aujourd’­hui…

Thibaults Vinçon et Nada Strancar assis autour de la table de l'Orage d'Ostrovski, mise en scène Podalydès.
Thibaut Vinçon (à gauche) et Nada Stran­car (à droite) dans L’Orage d’Alexandre Ostrovski, mis en scène par Denis Poda­ly­dès.

Comment avez-vous consti­tué votre troupe d’ac­teurs pour corres­pondre à cette culture ?

J’aime faire les distri­bu­tions, mais je suis assez lent… Ce sont d’abord des acteurs que j’aime, que j’ai croi­sés au fil du temps, et qui corres­pondent effec­ti­ve­ment aux carac­tères des situa­tions, comme Nada Stran­car, tout en auto­rité subtile, Philippe Duclos ou Thibault Vinçon qui tenait à jouer ce mari alcoo­lique à la fois très faible et très émou­vant, loin des rôles de jeunes premiers… C’est aussi pour ça que je ne m’in­ter­dis pas de faire des castings, pour faire des rencontres, d’au­tant que L’Orage est le portrait d’une ville à travers plusieurs géné­ra­tions, dans lequel les rôles de femmes sont parti­cu­liè­re­ment forts. »

Le Roi Lear de Shakes­peare avec Denis Poda­ly­dès. Mise en scène Tomas Oster­meier. Retrans­mis­sion en direct de la Comé­die-Française jeudi 9 février à 20h10 dans les ciné­mas Pathé Belle­cour, Lyon 2e, et Pathé Carré de Soie à Vaulx-en-Velin. Puis du 26 au 28 février et du 5 au 7 mars.

Denis Poda­ly­dès et Laurent Mauvi­gnier parti­ci­pe­ront ensemble à la Fête du livre de Bron avec Chris­tine Montal­betti pour évoquer leur colla­bo­ra­tion dans une table ronde inti­tu­lée “Le relais des amis”. Dimanche 5 mars à 14h, Hippo­drome de Bron Parilly, salle des Parieurs. Entrée libre.

L’Orage d’Alexandre Ostrovski. Mise en scène Denis Poda­ly­dès. Du mercredi 8 au samedi 18 mars à 20h (dim 16h) au théâtre des Céles­tins, grande salle, Lyon 2e. De 7 à 40 €.

Couple de femmes et table avec vue sur la Volga dans L'Orage.
L’Orage d’Os­trovski vu par Denis Poda­ly­dès. (photos Jean-Louis Fernan­dez)

Nanni Moretti fait sa première mise en scène de théâtre

Vous pouvez toujours aller voir les films de l'éternel égocentrique du cinéma italien. Mais le TNP a eu une idée plus originale : confier à Nanni Moretti sa première mise en scène de théâtre, à travers un diptyque (en italien) tiré de l'oeuvre la grande Natalia Ginzburg (1916-199...

Le grand William Forsythe de retour au ballet de l’Opéra de Lyon

Trois facettes de William Forsythe pour une soirée d'exception d'1h20, voilà le spectacle idéal pour retrouver les grandes heures de l'Opéra de Lyon à travers son ballet, avant sa fermeture pour cause de baisses de subventions... La soirée commencera par un adieu, Quintett, pièce...

Savez-vous comment Florence Foresti a débuté ?

On a vu et on a adoré son dernier spectacle Boys, boys, boys qu'elle vient présenter aux Nuits de Fourvière à Lyon pour 5 représentations exceptionnelles. Là où tout a commencé... Portrait d'une lyonnaise d'exception, la plus grande humoriste de sa génération. Lyonnaise, promo...

Illu­sions de Viri­paev, un grand spec­tacle d’amour à quatre

C'est un des plus beaux spectacles qu'on ait vu au théâtre ces dernières années. Créé au théâtre de l'Elysée, passé par le TNP, Illusions d'Ivan Viripaev dans la mise en scène d'Olivier Maurin revient à l'Elysée à la Guillotière. Un quatuor d'amours à ne pas rater. Avec Illusi...